vendredi 26 mars 2021

De l’aide qui tourne à la tragique amputation des membres



De l’aide qui tourne à la tragique amputation des membres

Le matin du jeudi 13 février 2020, monsieur Samuel Mokako, un jeune agriculteur de 25 ans résidant momentanément chez sa tante paternelle à Bolikombo, un village situé à une trentaine de kilomètres à l’Est de Bumba, sur la route qui mène vers Yamongili le chef-lieu du secteur de Loeka dans le territoire de Bumba, a failli perdre sa vie pour s’être mis à aider son cousin Wilo Molengi à couper des gros arbres dans le cadre des activités champêtres de ce dernier.

Samuel Mokako après sa deuxième intervention chirurgicale


Samuel Mokako avait naguère quitté ses parents chez qui il habitait dans le territoire de Businga au sud de Gbadolite et il était venu vivre chez sa tante à Bumba, avant d’aller à Bolikombo visiter une autre tante. C’est donc au village Bolikombo que l’incident malheureux dont il s’agit ici s’est déroulé pendant qu’il aidait son cousin dans son champ.

Pouvait-on vraiment appeler cela de l’aide ? Peut-être oui, ou peut-être non, cela dépend de celui qui apprécie ; mais l’on sait que l’infortuné Samuel avait la dette de 1500 Francs congolais (équivalent à 0,75 dollar US) de son cousin Wilo qu’il devrait en quelque sorte acquitter ; ainsi fallait-il qu’il vienne travailler pour s’acquitter de sa dette tel qu’ils ont convenu de venir couper les bois dans le champ de Wilo, où celui-ci devrait planter du maïs, de manioc, etc., au début de la saison de pluie de l’année 2020.

C’est ce qui s’est passé ce matin-là. Samuel Mokako est venu s’acquitter de sa dette de 1500 FC ou de sa tâche comme convenu avec son cousin Wilo Molengi, de venir couper les gros arbres dans le champ de ce dernier, aux environs du village Bolikombo.  Il s’est donc mis à couper le tronc d’un gros arbre, à une certaine hauteur du sol, car il préférait pendant cette exercice grimper à l’arbre, à une certaine hauteur du sol, pour couper facilement l’arbre dans un endroit qui ne ferait pas d’obstacle quant à ce.

Lorsqu’il sentit que l’arbre allait tomber, il était obligé de sauter le premier à terre avant que l’arbre ne s’écroule. Et lorsqu’il voyait que l’arbre tardait à s’écrouler, il essayait de regrimper à l’arbre pour tenter quelques coups supplémentaires de machette ou de hache à l’endroit précis de la coupe, et de sauter de nouveau à terre avant que l’arbre ne s’écroule. Il a ainsi tenté à trois reprises. C’est à la troisième tentative que l’arbre s’écroula enfin, et le tronc de l’arbre tomba malheureusement sur ses pattes, broya le genou gauche et blessa gravement la partie inférieure de la jambe droite, entrainant ipso facto une hémorragie importante.

Son cousin et quelques autres campagnards qui se retrouvaient dans les parages tentèrent les premiers secours, ceux consistant à extraire le blessé du dessous du tronc de l’arbre tombé, de lier ensemble les extrémités de ses chairs éparpillées dans les plaies et de couvrir celles-ci avec des linges de fortune ou des habits de l’infortuné pour contenir tant bien que mal le flot de sang qui jaillissait pitoyablement de ses blessures et de l’évacuer immédiatement vers le village. 

De là, on l’achemina en moto jusqu’à l’Hôpital général de Bumba, distant de près de 30 km, où il faillit mourir car aucun soin ne lui fut administré pendant les quelques instants y passés, hormis la transfusion sanguine effectuée par un des médecins du lieu, un toubib en calvitie, avait-on signalé, car le malheureux perdait beaucoup de sang.

Les médecins de l’Hôpital général ont refusé de soigner l’agriculteur parce que celui-ci n’avait sur lui qu’une modique somme de 25.000 FC (l’équivalent de 12.5 $), l’argent de sa pauvre femme Irène Sidonie Matunga, qui, toute affaire cessante, avait tout laissé pour accompagner son mari à l’hôpital. Les médecins jugeaient le montant beaucoup trop insignifiant, et en revanche exigeaient au préalable le paiement d’une somme de 300.000 FC (l’équivalent de 150 $) avant d’entamer une quelconque prise en charge médicale ! 

Samuel Mokako et sa femme Irène Sidonie Matunga, après la deuxième opération  

Cette décision restant ainsi, telle que l’ont formulée les médecins malgré les supplications d’Irène Sidonie Matunga qui leur proposa même en plus de ladite modique somme de 25.000 FC, de placer en gage son appareil de téléphone portable et un pagne d’habit neuf. Les médecins de l’Hôpital général de Bumba lui opposèrent un farouche refus impitoyable ; le malheureux cultivateur passa la nuit à l’Hôpital général de Bumba sans qu’aucun médecin ni infirmier n’intervienne pour lui ! 

La preuve en est que les plaies restèrent ainsi à l’Hôpital général telles qu’elles y étaient arrivées de la forêt, bandées avec des linges de fortune non stérilisés, autour desquels on avait enroulé des lianes de forêt ou de chikwangue jusqu’au lendemain, sans qu’aucun personnel soignant ne s’en occupe !

Le lendemain matin, c’est-à-dire le vendredi 14 février 2020, la situation du jeune homme allait de mal en pis. Perte de sang et de la force corporelle, les plaies en putréfaction devenant de plus en plus nauséabondes et attirant des mouches de tous bords…

Affolée par l’ampleur de l’évènement, la pauvre dame continua pour la énième fois de supplier les médecins de venir soigner son mari, et décida après consultation avec quelques membres de famille de Mokako se trouvant à l’hôpital, de quitter l’Hôpital général de Bumba pour se rendre à n’importe quel autre centre de santé de la cité de Bumba. Le choix porta sur le Centre de santé CNCA (des protestants) du Quartier Mobutu où ils se dirigèrent aussitôt et furent accueillis par l’Infirmier A0 Nguma qui les orienta sans tergiversation vers l’Hôpital Notre Dame du Révérend Père Carlos Rommel que gèrent les Religieuses de la Congrégation de la Doctrine chrétienne.

C’était déjà vers 15 heures que le cortège du malade arriva à l’Hôpital Notre Dame, l’heure à laquelle certains services ferment (tels que le laboratoire, le bloc opératoire, les radios, etc., sauf en cas d’urgence) pour laisser la place au dispensaire et au service de permanence en vue des soins ambulatoires ou des malades hospitalisées…

Le service d’accueil (des sentinelles) les orienta immédiatement vers le bloc opératoire où deux infirmiers, Papy Mole et Norbert Akpoma trainaient encore, en train de remettre tout à l’ordre avant la fermeture. Ceux-ci les reçurent et étendirent le patient sur le lit de pansement et se mirent immédiatement à délier les lianes et à enlever lesdits linges de fortune imbibés de sang du malheureux. On y voyait tomber par terre des morceaux de chaires humaines au niveaux des plaies béantes après les avoir mises à nu.  

la plaie au genou de la jambe gauche


C’est alors qu’on fit venir en urgence le Docteur Trésor Likenge, le Médecin directeur de l’Hôpital Notre Dame de Bumba qui, peu après son arrivée, et au bout d’un bref diagnostic de la situation, entama les préparatifs d’amputation des pattes du patient, vu l’état de putréfaction dans lequel se trouvaient les plaies. Il faudrait en plus de la préparation chirurgicale de la routine, se procurer une scie à métaux qu’on devrait nettoyer et stériliser, des lianes en caoutchouc communément appelées « lances » pour maintenir en forme la chair de la jambe, etc.

Le patient consentit à regret à cette instruction médicale consistant à amputer ses jambes, mais il la restreignit pour une seule jambe, la gauche, celle qui a subi un degré beaucoup plus haut d’endommagement, et que par contre, sa jambe droite devrait lui être épargnée, disait-il, afin qu’elle soit soumise au traitement traditionnel.



Ce qui lui fut concédé à cet instant. Le docteur Trésor et son équipe se sont mis au travail, et l’opération dura de 22 heures jusque vers 2 heures du matin du samedi 15 février 2020. La jambe gauche du patient fut donc amputée légèrement au-dessus du genou, entre celui-ci et le bassin.  

Les soins traditionnels pour sa seconde jambe, la jambe droite, n’eurent guère de succès escompté car la détérioration ne faisait que s’amplifier. Pour épargner Samuel de tout danger possible qui résulterait de la détérioration de ladite jambe, celle-ci fut également amputée, mais légèrement en dessous du genou, entre celui-ci et le pied, le mercredi 19 février 2020 ! 

Le pied gauche


Au bout d’un mois de lit, vers le mois de mars, Monsieur Samuel Mokako s’est rétabli et a bénéficié d’une chaise roulante offerte par l’Hôpital Notre Dame de Bumba, sur laquelle il se déplaçait. C’est à partir de mois de mai 2020 qu’il s’est mis à se déplacer seul toujours sur sa chaise roulante et à faire certaines activités. Il vendait tantôt des croquettes faites de farine de blé que produisait la Rde Sœur Régine Amboyo, la gestionnaire de l’Hôpital Notre Dame, tantôt des unités prépayés pour la communication par téléphones. Les recettes générées l’aidaient ainsi à se fournir de quoi se nourrir, lui et sa femme, pendant sa convalescence et son long séjour à l’Hôpital Notre Dame, tant ses tantes l’ont abandonné, et même son cousin Wilo Molengi, celui pour qui il a failli mourir en travaillant durement dans le champ.

Son père et sa mère à Businga ont aussi appris la nouvelle d’hospitalisation de leur fils, mais sans qu’ils interviennent, ni pour payer les frais d’hospitalisation, ni même pour venir voir leur fils dans cet état d’amputation des membres. Son père, trop catégorique, menaçait même son épouse de ne pas venir rendre visite à son fils à Bumba sous peine de divorce ! Il s’enflammait contre sa sœur de Bumba pour n’avoir pas interdit à son fils cette « errance dans la campagne », et exige que son enfant lui soit restitué avec toutes ses jambes !

Le pied droit avant l'amputation


Le dimanche 14 février 2021, un an après sa première opération chirurgicale, Samuel s’est rendu à l’église Notre Dame, au cours d’une messe dite vers 5 heures et demie par le Révérend Père Carlos Rommel, pour remercier Dieu ainsi qu’à sa suite, le médecin, les infirmiers ainsi que toute personne et autres amis qui, de près ou de loin, l’ont aidé à survivre jusqu’à ce jour, surtout pour la prise en charge de l’Hôpital Notre Dame, pour la grâce reçue de Dieu ; lui qui, étant moribond, n’a pu survivre jusqu’à ce jour que par la miséricorde divine !

Son oraison, lorsqu’il a reçu le micro, assis sur sa chaise roulante devant l’autel, a ému plus d’une personne à la messe et présageait certes une deuxième intervention chirurgicale qu’il dû subir le lendemain, toujours à l’Hôpital Notre Dame, notamment pour la hernie et le réajustement de sa plaie au niveau de l’extrémité du moignon de la jambe gauche dont l’os avait surgi de la chair.

De gauche à droite: Irène Sidonie Matunga, Samuel Mokako et la sentinnelle de l'Hôpital Notre Dame

 

Notons enfin, comme l’a reconnu Mr Mokako lui-même à l’église, que sa prise en charge médicale et hospitalière était entièrement entre les mains de l’Hôpital Notre Dame, c’est-à-dire l’opération chirurgicale, les soins médicaux, les médicaments, l’hospitalisation, la restauration pour lui-même et pour sa femme, et même les soins de sa femme qui est maintenant grosse, tout cela était à la charge de l’Hôpital Notre Dame, à travers sa gestionnaire la Révérende Sœur Régine Amboyo à qui nous adressons nos vives félicitations pour avoir pensé avant tout à la santé de ce jeune homme, inconnu d’elle, mais une créature de Dieu qui, dépourvu de tout a failli mourir pour des travaux champêtres !

Ainsi, lançons-nous un appel pathétique à toute personne de bonne volonté qui nous lit à travers ce site de bien vouloir penser à ce monsieur qui va bientôt sortir de l’hôpital, qu’il parvienne quand même à s’intégrer facilement à la vie quotidienne, c’est-à-dire, sa locomotion avec un vélo-tricycle, son logement à travers la cité de Bumba, et une petite activité qui pourrait lui procurer un minimum du bien-être.

                                                                 Antonio Lisuma

 

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